Bastides et bastidons

 

 Les fermes sont des exploitations de plaine ou de hauteur qui parsèment la campagne cultivée et qui surgissent jusqu'au coeur de la colline où elles transportent des valeurs de l'espace domestique. Elles sont appelées bastido, jas, clos, castéou, selon que leur emplacement, leur aspect, leur fonctionnement mette l'accent sur les activités agricoles ou pastorales et suivant le statut que leur donnent leurs usagers : demeure d'agrément assortie de terrains cultivés, établissement rural de rapport, bergerie entourée de champs et de pâtures. Modestes ou imposants, ces ensemble sont désignés par le nom de la famille fondatrice ou résidente (la Barrelière, le jas de Sénès, la bastide des Revest) ou encore par le nom du lieu où ils se situent (la bastide des Sembles, le Plan, Fontrouvière, le Puits d'Envès). L'éloignement réel du village groupé et la taille des exploitations influent peu sur le choix de ces dénominations.

Le Bastidon (petite bastide en provençal) de Forcalqueiret, par exemple, est une ferme-bloc distante d'à peine 1 km du village qui fonctionne jusque dans les années 1970. Bâtie sur trois niveaux, elle couvre 600 m2 au sol et comprend l'habitation donnant au sud et à l'ouest, une bergerie ouverte au nord, des locaux de service avec un four à pain et des réserves, des pressoirs à huile, des cuves carrelées de rouge, un grenier sous les combles (en provençal, grenier : fenièro), une magnanerie (endroit où l'on élève les magnans : vers à soie), des stalles pour les ânes et les chevaux. Poulailler et porcherie occupent un petit bâtiment à part. Plusieurs aménagements tels que le captage de source, un puits, des canaux, un bassin avec une fontaine) sont liés à la fourniture de l'eau.

Sur le même mode, une autre exploitation répond au nom de Bastidette malgré ses corps de bâti qui comprennent, entre autres, un pigeonnier isolé (à gauche sur la carte postale ancienne). Ailleurs, le bastidon est un gros cabanon agricole : espace utilitaire en bas avec étage habitable surmonté d'un grenier à foin. Une telle bastide à Tourves (46 m2 au sol) est enregistrée en tant que bastide dans le cadastre napoléonien (années 1830). Dans le Var, la bastide est un ensemble de bâtiments permettant la mise en valeur des terres d'un domaine, que celui-ci soit d'un seul tenant ou constitué de parcelles dispersées. Les propriétaires sont tant locaux que forains (étrangers au village), tant des cultivateurs-éleveurs que des commerçants, fabricants, bourgeois, représentants de professions libérales ou dignitaires. Les propriétaires citadins ou notables viennent en villégiature et arrentent* les terres à des fermiers qui peuvent exploiter ou posséder d'autres domaines aussi. Ses diverses fonctions font que la bastide se compose de locaux résidentiels et de locaux techniques ou de service, réunis sous un même toit ou abrités dans plusieurs corps de bâti accolés ou juxtaposés. Les dispositions linéaires de type "mas" ou autour d'une cour fermée ne sont pas habituelles. Un mur de clôture avec une entrée encadrée par des piliers délimite parfois ces domaines. Hormis la spécialisation des pièces, les appartements ou la résidence de maître se démarquent par des détails architecturaux tels que l'encadrement travaillé des ouvertures, un chaînage d'angle, des génoises multiples, des escaliers et un perron monumental. Les alentours sont ornés de jardins d'agrément, de fontaines et de bassins, de kiosques et volières, d'allées de promenade propice aussi à la chasse (tèso). Dans les communs, on peut trouver d'autres postes de chasse ou, plus rarement, une glacière. Un pigeonnier, isolé ou faisant partie du corps de bâti, peut être associé à l'ensemble. La présence d'une chapelle est assez fréquente. Le logis des fermiers et les locaux techniques (granges, silos, étables, bergeries) sont généralement orientés différemment du logis du maître qui dispose d'un accès privatif. Les puits, citernes, fosses à fumier, loges à cochon, basse-cour, rucher, aire à battre, sont attenants à la ferme ou placés à quelque distance. Quand le propriétaire et l'exploitant sont une seule et même personne, la partie résidentielle, si minime soit-elle, tourne le dos ou est en décrochement par rapport aux locaux destinés aux bêtes et au stockage.  

Source : D'après le livre "Var" Editions Christine Bonneton avec des rajouts de Nadine.

* Arrenter : Donner ou prendre quelque chose à rente. Rente : Revenu tiré d'un capital ou d'un bien que l'on possède.

Comments

[Mireio]

Superbe article qui me rafraîchit un peu la mémoire...J'aime beaucoup la première "image"

Bizzzzous à toi

[Sandrine]

Ravissant. Merci Nadine. ça fait rêver...

[LA MALLE AUX TRE]

Tu sais que j'adore les bastides, et combien j'aimerais en avoir une, ce n'est pas pour rien que l'adresse de mon blog est "la bastido"., mais bon je me satisfais de ma petite bastide à moi, j'ai ma petite fontaine, un cadran solaire, ma piscine et mes arcades. mais bon mon mari aurait aimé son terrain de chasse et une rivière à truite ... au milieu. On peut toujours rêver .... Dans une autre vie peut-être !! Génial cet article....

Amicales pensées de la Bastido de la MALLE AUX TRESORS.

[Pierre]

Mais d'ou sors-tu toutes ces informations? Tu es architecte? C'est trés intéressant en éffet.

[AnnickD/Nicka28]

Merci pour ces précisions.j'ai des amis qui habitent des bastide et c'est vraiment très joli !!

[Fulconis]

Merci pour cet intéressant et éclairant article sur les Bastides et leurs dérivées !

André Pierre Fulconis

[virjaja]

je reverais de vivre dans une de ces maisons...gros bisous Nadine. cathy

[Giselle]

Merci Nadine pour cette superbe page colorée sur nos bastides provençales.



Bonne fin de semaine

Sincèrement

Giselle