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Passion Provence
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  • Bienvenue chez moi à Trans en Provence dans le Var. Je vous invite à la découverte de la Provence et du Var en particulier à travers son histoire, son patrimoine, ses traditions, ses coutumes, ses légendes, etc...
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3 juillet 2015

Le puisatier

Puisatier

Dans le silence de la campagne, le bruit d'une poulie qui grince, un seau en fer qui tape sur une margelle, de l'eau versée sur la pierre... Ces sons reposants, familiers des siècles passés, ont aujourd'hui disparu. Pourtant, la corvée de l'eau au puits n'est pas si ancienne en France. C'est une tâche quotidienne, comme laver son linge au lavoir par exemple, pratiquée jusqu'aux années 50 dans les villes et les années 60, voire 70 pour bien des villages. Car c'est après la Seconde Guerre mondiale que notre pays se dote peu à peu de réseaux de distribution d'eau potable et d'assainissements. Les châteaux d'eau et les canalisations en fonte vont transformer les puits en ornements désaffectés que l'on ferme d'une grille pour éviter les accidents. Ils sont bâtis dans les jardins, les cours de ferme, au coin des rues où chacun puise son eau. Mais il y a surtout une multitude de ces petits édifices construits à l'extérieur des villages. Ils constituent à présent un patrimoine oublié, méconnu, méprisé.

Trigance-Puits

Puits à Trigance (Photo Nadine)

C'est le sourcier qui va entrer en scène en premier pour trouver l'eau. Des signes extérieurs trahissent la présence de l'eau dans le sous-sol comme la persistance de flaques en certains endroits durant l'hiver et le printemps. Les zones humides possèdent une végétation très caractéristique : jonc, renoncule, menthe, saule... La présence de vers de terre également, de crapauds, de limaces constitue un indice précieux comme la persistance de buées matinales accompagnées de vols de moucherons. Si rien sur le terrain ne signale de trace de l'eau, le sourcier à l'aide d'une baguette de coudrier (noisetier) va déterminer où se trouve la nappe phréatique ou la source (voir à ce propos mon article sur le sourcier http://www.passionprovence.org/archives/2012/09/25/25186925.html).

Puits intérieur

Après le sourcier, c'est le travail du puisatier. Dans chaque village, un ou plusieurs cultivateurs remplissent ce rôle. On leur a transmis de père en fils ce savoir-faire qui demande adresse et courage. Certains on fait de cette activité un métier à part entière. Ils sillonnent une bonne partie de l'année, les campagnes qu'ils creusent inlassablement. Le puisatier, aidé par le propriétaire du champs qui fait office de manoeuvre, à moins qu'il n'ait un ouvrier avec lui, dispose d'un équipement rudimentaire : une pioche, une pelle au manche court, un seau pour remonter la terre, de la corde, une chèvre en bois avec une simple poulie... A l'endroit du futur puits, il trace un cercle sur le sol, à l'aide d'un compas grossier (une tige en fer fichée en terre avec une corde fixée à son extrémité). Avec de la chaux, il renforce le trait de cette circonférence. Le forage est lancé et la campagne environnante va vibrer pendant quelques semaines des coups sourds des pioches et des pelles. Les terrassiers avancent plus ou moins vite en fonction de la nature du terrain. Un sol dur, des couches de pierre, du tuf ralentissent l'entreprise. Mais quelle que soit la vitesse du chantier, il faut obtenir une paroi verticale qui suit parfaitement le cercle tracé au départ. Le puisatier progresse en piochant en colimaçon pour aller plus vite et être efficace. Il peut avancer d'un mètre 50 par jour environ. Au fur et à mesure qu'il descend, il étaye l'excavation. Lorsque le trou devient profond et que l'échelle en bois n'est plus assez longue, il met en place un autre système. Il plante en terre un piquet en fer muni d'un anneau et il y attache une corde pour la descente et la remontée. A l'aplomb de la corde, des encoches sont creusées dans la paroi pour l'emplacement de ses pieds. En progressant dans le trou, le puisatier est de plus en plus seul, coupé du monde, de ses bruits, de sa lumière, hanté par la peur d'un éboulement. Ils sont légion, les puisatiers, à avoir creusé leur tombe en même temps que le puits d'un client. En effet, si le forage atteint en général 8 à 10 mètres de profondeur, il faut descendre souvent bien au-delà : 20, 30 et parfois 50 mètres. Dans le noir quasi absolu de son excavation, l'homme emporte la lampe à huile dite "lampe de puisatier". Elle est en fer blanc, d'une hauteur d'une quinzaine de centimètres, elle est la compagne qui rassure, éclaire. Alors qu'il risque la mort en cherchant l'eau source de vie, inutile de préciser, le bonheur du puisatier qui devine les premières traces d'humidité, l'odeur de l'eau, les filets sourdant sous les coups de pioche... Après avoir enfin trouvé l'eau, il faut garantir au puits sa solidité légendaire. L'artisan habille les parois nues de l'édifice en pierres. Il les empile en respectant la disposition classique du "plein sur joint", c'est-à-dire, en croisant les pierres, en les plaçant à cheval, pour éviter les lézardes, les fissures. Lente remontée, pénible, qui demande de la concentration et de l'adresse...

Trans-puits2

Puits à Trans en Provence (Photo Nadine)

Lorsque le bâti intérieur est terminé, place à la couronne de pierres au-dessus du sol et la margelle qui signent quasiment la fin de la construction. Certains puits sont alors couverts d'une voûte ou d'une petite toiture de tuiles qui assurent une protection naturelle contre les feuilles et les saletés qui pourraient pénétrer à l'intérieur. En été, ce système a l'avantage de réduire l'évaporation. Certains de ces puits sont de véritables ouvrages d'art. D'autres puits sont ouverts, surmontés d'une ferronnerie à laquelle sont accrochés chaîne, poulie et seau en métal. Ces puits vont alors soulager le cultivateur qui pourra disposer d'eau pour faire boire ses animaux. Il aura aussi l'eau nécessaire pour préparer sa bouillie bordelaise et bien d'autres produits de traitement qui protègent sa récolte. Il va pouvoir se servir de son puits pour cultiver son potager. A l'occasion d'un repas dominical en famille, le puits offre l'eau du repas mais rafraîchit aussi la bouteille de vin ou le melon glissé dans un seau ou une cruche... C'est une douce récompense terrestre après avoir touché l'enfer.

Source : D'après le livre : Le petit bâti - sud de la France. Hubert Delobette. Editions Le papillon rouge.

Puisatier santon

 

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Commentaires
O
Bonjour. J'habite une ancienne maison à Montpellier. elle est dotée dun puits à profond et de son mécanisme à roue. Existe t il des archives de puisatiers me permettant d'établir son histoire? Merci
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L
Un régal, parmi les autres articles aussi méritants, que de lire cet article sur le puisatier.
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R
je sens comme un air de Provence <br /> <br /> Bravo d'avoir été sélectionnée <br /> <br /> Ce billet fait parler les pierres <br /> <br /> @ Bientôt :)
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G
Bonjour Nadine,<br /> <br /> <br /> <br /> Une grosse madeleine de Proust que cet article sur les puits !<br /> <br /> Déjà la photo du puits à Trigance.avec mille souvenirs.<br /> <br /> <br /> <br /> Entends encore le bruit familier de la poulie du puits sur le petit domaine, les vendangeurs se lavaient dans le bassin, le soir après une dure journée de labeur, on y préparait oui la bouillie bordelaise dans ces lointaines années 50 ... réserve d'eau inépuisable pour tous les usagers à 2 ou 4 pattes ...<br /> <br /> <br /> <br /> Ai encore 2 puits, très anciens, avec leur bassin & margelle, quasi enfouis sous des rosiers centenaires, sur une propriété, située non loin du cimetière de Roquebrune, classés, cadastrés et sécurisés. Aussi loin que je me souvienne, ces puits ont été creusés par l'arrière grand père et l'arrière grand oncle .. je revois mon grand-père arrosant tout le potager, tous ses gestes, avec cette valse de gros arrosoirs plus gros que moi !! .. aujourd'hui une pompe électrique permet au voisin d'arroser son jardin à moindres frais.<br /> <br /> Merci Nadine pour ce beau partage.<br /> <br /> Nos puits mériteraient oui une plus grande reconnaissance ..<br /> <br /> <br /> <br /> Souhaitant que tu ailles le mieux possible et ne souffres pas trop de la chaleur ambiante,<br /> <br /> Avec mes amitiés et meilleurs souvenirs<br /> <br /> Giselle
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